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Contre-attaque judiciaire française : le Rwanda rompt ses relations diplomatiques avec la France.

samedi 25 novembre 2006

La meilleure façon de se défendre est d’attaquer, telle semble être la politique de la France à l’égard du Rwanda, politique qui a aboutit vendredi 24 novembre à la rupture des relations diplomatiques du gouvernement rwandais avec l’Etat français. Cette rupture faite suite aux poursuites réclamées devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) par le juge français Jean-Louis Bruguière contre le président rwandais Paul Kagamé pour sa participation présumée à l’attentat contre l’avion de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994, élément déclencheur du génocide de 1994, ainsi qu’à l’émission de mandats d’arrêt contre neuf de ses proches.

"Nous avons rompu toutes les relations diplomatiques avec la France", a déclaré à l’AFP le ministre rwandais de l’Information et porte-parole du gouvernement, Laurent Nkusi.

"Après avoir pris en compte les tentatives de la France de combattre le Rwanda ces dernières années à la fois dans les organisations internationales et dans d’autres forums internationaux, et après avoir examiné le rapport Bruguière et l’accueil qu’il a eu en France, nous avons décidé de mettre fin à tout contact avec la France", a-t-il expliqué.

"Le gouvernement réuni a demandé à l’ambassadeur de France de quitter le pays dans les 24 heures ; nous demandons également la fermeture de toutes les institutions françaises dans le pays, y compris l’ambassade de France et le centre culturel français", a précisé à l’AFP le ministre des Affaires étrangères Charles Murigande, à l’issue d’une réunion du gouvernement rwandais.

Selon le porte-parole du gouvernement, l’école française à Kigali devra également fermer dans les 72 heures. Plus tôt dans journée, le Rwanda avait annoncé le rappel de son ambassadeur en France.

Comment en est-on arrivé là ?

Le président rwandais Paul Kagamé s’en était pris en avril dernier à la France lors de la commémoration du douzième anniversaire du génocide de 1994, l’accusant, sans la nommer, d’avoir fourni des "tueurs".

Pendant le génocide de 1994, la France a lancé une opération humanitaire, appelée "opération turquoise", qui selon la France, aurait permis de sauver de nombreuses vies, alors que la communauté internationale restait passive, mais qui selon le Rwanda, aurait permis de mettre à l’abri des génocidaires.

Le génocide de 1994 au Rwanda a fait, selon les Nations unies, environ 800.000 morts, parmi la minorité tutsie et les Hutus modérés.

La rébellion tutsie du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, venue d’Ouganda, y a mis fin en juillet 1994 en prenant le pouvoir à Kigali.

Face à cette contre-attaque de la France, faut-il rappeler la confidence de François Mitterrand à des proches au cours de l’été 1994, rapportée dans Le Figaro du 12 janvier 1998 ?

« Dans ces pays là, un génocide c’est pas trop important »

Faut-il rappeler le suicide étrange de François de Grossouvre, à l’Elysée le 7 avril 1994, au lendemain de l’attentat contre l’avion du général Habyarimana ? Ce conseiller de Mitterrand en savait probablement trop sur les affaires de la Françafrique en général et sur l’implication de la France dans le génocide rwandais en particulier...

Faut-il rappeler tous les ouvrages dénonçant cette implication depuis 11 ans disponibles dans toute bonne librairie pour tous les citoyens francophones du monde ?

- Jean-Pierre Chrétien, Rwanda : Les médias du génocide, Karthala, 1995.

- Michel Sitbon, Un génocide sur la conscience, L’Esprit Frappeur, 1998.

- François-Xavier Verschave, La Françafrique, Stock, 1998.

- Alison des Forges, Aucun témoin ne doit survivre, Karthala, 1999.

- François-Xavier Verschave, Noir Silence, Les Arènes, 2000.

- Jean-Paul Gouteux, Un génocide sans importance, Tahin Party, 2001.

- Jean-Paul Gouteux, La Nuit rwandaise. L’implication française dans le dernier génocide du siècle, L’Esprit Frappeur, 2002.

Faut-il rappeler enfin que pour établir la paix entre les peuples, au lieu d’accuser son accusateur, il vaudrait mieux tout simplement cesser de mentir aux peuples français et rwandais en sachant que tôt ou tard la vérité éclatera ?

En effet, d’un autre côté, la position de Paul Kagamé, élu au suffrage universel en 2003, est-elle si claire que cela ? La France risquerait-elle une telle contre-attaque si elle n’était basée sur aucune vérité ?

N’assiste-t-on pas finalement à un règlement de comptes entre responsables français et rwandais impliqués les uns et les autres dans le génocide ?

L’on peut de toute façon amèrement regretter que dans l’avenir ceux qui ont les mains sales aujourd’hui ne seront probablement plus de ce monde, tel Mitterrand, pour être réellement condamnés ici-bas. Pour l’instant, les trompeurs des peuples peuvent briguer impunément des mandats présidentiels...

Pour l’AFI, c’est bien la question de la relation nébuleuse entre la France et l’Afrique de type néo-coloniale qui doit enfin être posée dans le débat des présidentielles françaises de 2007 !

Rédaction de l’AFI.