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La traduction culturelle entre le français et le chinois ou le défi babélien.

Traductologie et interculturalité.

dimanche 22 janvier 2006, par Jean Dubois

En détruisant la Tour de Babel, symbole d’une langue unique selon la Génèse, Dieu aurait condamné les hommes à ne plus pouvoir communiquer dans un même idiome. Cette punition n’est-elle pas plutôt un enrichissement ? Le dialogue culturel entre la France et la Chine dans la traduction écrite semble bien défier le mythe de la dispersion des langues.

Sommaire

Introduction

1- Du français vers le chinois

1.1. De l’universalité des problèmes de traduction

1.2. Les traductions venues d’Inde

1.3. Les traductions venues d’Occident

1.4. Le débat sur la retraduction du Rouge et le Noir

1.5. Le faux problème de la fidélité

1.6. La traduction est historique

1.7. La traductologie est culturelle

2- Du chinois vers le français

2.1. Langue alphabétique et langue idéographique

2.2. L’épreuve du chinois

2.3. De la traduction sémiotique

2.4. Le roman chinois francophone

Conclusion

Introduction

La question de la traduction culturelle nous renvoie à la question de savoir si deux cultures distinctes, totalement étrangères l’une à l’autre, peuvent communiquer. C’est le rapport à l’autre dans sa dimension fondamentale qui se trouve ici interrogé. Aussi pour répondre à cette interrogation séculaire faudrait-il pouvoir se référer à ce qu’il y a de plus différent, de plus éloigné, de plus autre à notre civilisation occidentale. Car à moins d’être un extra-terrestre, nous ne pourrons jamais nous extraire totalement du point de vue culturel à partir duquel nous voyons le monde, comme nous ne pourrons jamais nous défaire complètement de notre langue maternelle qui soutient, selon le linguiste allemand du 19e siècle Wilhelm von Humboldt, notre vision du monde (Weltansicht) [1].

Or, la langue et la culture chinoises semblent précisément pouvoir nous offrir, en tant qu’Occidentaux, ce point ultime de référence permettant de relativiser l’étendue de notre civilisation. La Chine serait " cet Autre fondamental sans la rencontre duquel l’Occident ne saurait devenir vraiment conscient des contours et des limites de son Moi culturel ", comme l’écrit Simon Leys. [2]

Faut-il alors souscrire à la théorie moderne de l’écrivain américain Samuel P. Huntington [3] selon laquelle nous vivons dans un monde multicivilisationnel où les cultures, les " visions du monde ", se définissant " à la fois par des éléments objectifs, comme la langue, l’histoire, la religion, les coutumes, les institutions, et par des éléments subjectifs d’auto-identification", [4] s’entrechoquent et se font la guerre sans espoir réel de communication ? Si les différentes civilisations de ce monde constituaient des blocs culturels imperméables les uns aux autres, comment alors la traduction culturelle serait-elle alors possible, comment y aurait-il passage de l’une à l’autre ? Autrement dit, y aurait-il de l’intraduisible à la fois linguistique et culturel ?

Le philosophe Paul Ricoeur souhaite sortir de cette alternative théorique entre le " traduisible versus l’intraduisible " qui pour lui est " une impasse spéculative " menant vainement à la tentative de justifier a priori une langue universelle qu’elle soit originaire ou reconstruite. [5] La traduction est pour lui un fait prouvé par son exercice même ; aussi du point de vue d’une dialectique pratique, l’opposition légitime est plutôt " fidélité versus trahison ", quitte à faire de la pratique de la traduction " une opération risquée toujours en quête de sa théorie ". L’acte proprement opératoire de traduire serait donc ce travail qui consiste à ne pas trahir l’original c’est-à-dire à lui être le plus fidèle possible. En ce sens, ce n’est pas la traduction qui est impossible, c’est la traduction parfaite.

Cette " conviction séculaire " que les traducteurs " entreprennent une tâche théoriquement impossible ", selon les mots du linguiste français Georges Mounin, [6] se trouvant donc ici écartée, il faut alors s’interroger sur les types de résistances que les traducteurs peuvent rencontrer. Car c’est bien dans cet écart entre fidélité et trahison que réside la tâche subtile du traducteur, devant maîtriser des deux côtés ce qui résiste dans la langue d’où l’on traduit (langue source) et dans celle vers laquelle on traduit (langue cible). Que faut-il alors privilégier : l’univers culturel de l’auteur ou celui du lecteur ? Car le lecteur attend toujours de la traduction quelque chose d’exotique qui puisse se distinguer de sa propre culture.

" Tant que l’on ne sent pas l’étrangeté, mais l’étranger, la traduction a rempli son but suprême ; mais là où l’étrangeté apparaît en elle-même et obscurcit peut-être même l’étranger, alors le traducteur trahit qu’il n’est pas à la hauteur de l’original. ", écrit W. von Humboldt. [7]

Mais justement l’étrangeté qui existe entre deux langues et deux cultures n’empêche-t-elle pas toute traduction d’être totalement fidèle ? Les contraintes stylistiques s’ajoutant aux contraintes linguistiques ne constituent-elles pas des obstacles insurmontables pour le traducteur ? Dans quelle mesure donc la traduction culturelle relève-t-elle du domaine littéraire et/ou linguistique ?

C’est au travers de l’exemple de la Chine, que nous voudrions traiter cette question afin de se décentrer le plus possible par rapport à notre vision non seulement occidentale du monde mais en particulier française, les deux pôles français et chinois dessinant un axe très significatif de réflexion. Les civilisations française et chinoise partagent en effet à la fois une longue expérience historique de la traduction ainsi qu’une réflexion théorique sur la traduction. De plus, elles ont toutes deux rayonné culturellement dans le monde et leur influence aujourd’hui n’a pas cessé.

D’un côté, la civilisation française des Lumières, a dominé l’Europe occidentale en se permettant d’institutionnaliser l’infidélité stylistique dans la traduction et la langue française fait partie aujourd’hui de ces langues centrales à partir de laquelle on traduit beaucoup mais vers laquelle on traduit peu du fait précisément de sa position dominante. [8]

De l’autre côté, la civilisation chinoise, à l’époque des Lumières, a inspiré chez des penseurs occidentaux tel Leibniz l’idée d’une langue universelle basée sur la numérotation binaire du Yi King. [9] Aujourd’hui, elle connaît une nouvelle phase de développement de sa littérature ainsi que de ses traductions grâce à son ouverture actuelle sur le monde, remettant en cause bien des évidences occidentales comme le montre la réflexion du philosophe François Jullien. [10]

Si c’est dans la traduction que deux cultures se heurtent, c’est là aussi qu’elles se rencontrent et se complètent. La confrontation des cultures française et chinoise, du fait de leur éloignement mutuel, est ainsi riche d’enseignement concernant les questions de traduction. La possibilité, à l’encontre des thèses de S. P. Huntington, d’établir des ponts culturels de communication entre la France et la Chine à partir de la pratique de la traduction, constitue ainsi une clé essentielle pour comprendre, avec Paul Ricoeur, qu’ " en dépit des fratricides, nous militons pour la fraternité universelle. En dépit de l’hétérogénéité des idiomes, il y a des bilingues, des polyglottes, des interprètes et des traducteurs ", [11] que malgré la dispersion et la confusion du monde actuel, nous traduisons et pratiquons " l’hospitalité langagière ".

La double question qui se pose alors ici est de savoir dans quelle mesure la traduction du français vers le chinois peut-elle être fidèle - car elle est de fait possible - et inversement celle du chinois vers le français.

La différence radicale qui existe entre les langues françaises et chinoises est elle un obstacle incontournable au dialogue des cultures ? Ou au contraire cette différence n’est elle pas une source d’enrichissement pour les deux langues traduites l’une dans l’autre ?

1. Du français vers le chinois :

1.1. De l’universalité des problèmes de traduction :

Avant d’examiner les problèmes posés par la traduction culturelle de la langue française vers la langue chinoise, il s’agit de constater un premier fait : la traduction en Chine est une pratique fort ancienne. Nous verrons ainsi que, parallèlement aux réflexions occidentales, c’est bien le problème de la fidélité qui se posait déjà avant les premiers contacts culturels avec l’Occident au 16e siècle.
Revenons donc tout d’abord sur cette période historique pré-occidentale qui nous a été rendue plus familière par des sinologues contemporains comme Jacques Gernet ou Anne Cheng ayant relevé le défi de " faire connaître à un public non spécialisé une culture radicalement différente, dont les modes d’expression et les cadres de pensées semblent n’offrir aucune prise. " [12] Ainsi, la constatation de pistes de réflexions communes en matière de traductologie entre deux civilisations qui ne se sont pas encore rencontrées intellectuellement sera un argument en faveur de la possibilité d’établir des ponts entre les cultures chinoises et occidentales. De plus, cela donnera un caractère universel aux problèmes posés par la traduction. Le linguiste chinois Xu Jun écrit ainsi dans un article sur les problèmes fondamentaux de la traduction :

" (...) on est frappé par une similitude étonnante entre l’histoire de la tradition chinoise et occidentale. Du problème-clé de la traduction qu’est la fidélité dérive toute une série de binômes, tels que la traduction littérale et la traduction libre, la traduction des mots et la traduction du sens, la fidélité à la forme et la fidélité au fond, le fidélité au corps et la fidélité à l’âme, l’imitation et la récréation, la fidélité et la trahison, l’exotisme et la naturalisation, la traduction sourcière et cibliste, le vrai et le beau, l’exactitude et la beauté, la possibilité et l’impossibilité, etc. La formulation de ces problèmes est presque la même en Occident et en Chine. " [13]

Selon Xu Jun, l’histoire de la traduction chinoise, des origines à nos jours, peut se diviser en quatre périodes principales : traduction des soutras indiens, traduction à l’époque des Ming et des Qing, traduction du début du 20e siècle et traduction depuis 1949, date de la fondation de la République populaire de Chine.

1.2. Les traductions venues d’Inde :

Dès la dynastie des Han de l’Est (25-220 ap. J.-C.), un grand nombre d’ouvrages bouddhiques ont été traduits en chinois. La Préface à la traduction des Canons bouddhiques (148 ap. J.-C.) de Zhiqian, traducteur célèbre à l’époque des trois Royaumes, est considérée comme le premier traité sur la traduction. L’auteur s’y réfère au dilemme très connu posé par Laozi, un des plus grands sages chinois : la parole belle n’est pas fidèle, et la parole fidèle n’est pas belle. Il s’agit alors pour Zhiqian de ne pas embellir les Canons bouddhiques mais d’y être fidèle. " Ce qui nous fait penser tout de suite aux « belles infidèles » françaises qui ont partout leurs cousines. ", remarque Xu Jun.

Sûtra des noms des mille bouddhas, Dynastie des Tang

Les traductions des textes bouddhiques indiens du sanskri en chinois couvrira une période de près de dix siècles, de la seconde moitié du 2e siècle au 11e siècle, constituant, nous indique l’historien Jacques Gernet, " une masse de textes très considérable" : 40 millions de caractères chinois environ et 1 692 titres d’ouvrages ! [14] Il est ainsi intéressant de constater que la conception de la traduction évoluera au fil de la grande aventure du bouddhisme en Chine. Après une première période de tâtonnements où les versions sont "soit trop libres par excès de concessions au public chinois soit maladroites et presque incompréhensibles par excès d’exactitude " [15] , suivra une seconde période de progrès où, avec le moine Kumârajîva au début du 5e siècle, les traductions sont plus fidèles à l’esprit indien tout en étant plus littéraires et stylisées, pour finir par une troisième période sous la dynastie des Tang (7e-8e siècles) où la pensée indienne se trouve sinisée et traduite dans une terminologie uniforme et technique vidée de tout caractère littéraire. Très tôt, la civilisation chinoise, au contact de la civilisation étrangère de l’Inde, est ainsi au fait du problème que pose la fidélité en traduction, de façon tout à fait équivalente à ce qui se passe en Occident à la même époque avec la traduction des textes grecs et latins. [16]

1.3. Les traductions venues d’Occident :

La deuxième vague de traduction débute à la fin de la dynastie Ming (fin du 16e siècle) quand les missionnaires jésuites arrivèrent de l’Occident pour prêcher le catholicisme et enseigner la science et la technologie. Mais les traductions chinoises des textes scientifiques occidentaux eurent un faible impact sur la société chinoise dans un contexte de scepticisme et de méfiance par rapport aux missionnaires qui furent, sous la dynastie Qing, persécutés et expulsés de l’Empire du Milieu.

Ce n’est qu’au milieu du 19e siècle, quand les puissances occidentales forcent la Chine à ouvrir ses portes avec les guerres de l’Opium et la signature de traités de commerce, que la troisième vague de traduction commence, se caractérisant par la traduction d’ouvrages de sciences sociales, de science militaire et de littérature. Au début du 20e siècle, la civilisation traditionnelle de la Chine se trouve ainsi complètement bouleversée par celle de l’Europe occidentale. C’est à ce moment là que les grand penseurs de la révolution française tel Rousseau ou Montesquieu sont pour la première fois traduits en Chine ainsi que des œuvres littéraires françaises comme La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils, première traduction d’une œuvre de littérature étrangère en chinois classique par Lin Shu en 1899.

Enfin, la dernière vague commence à la fin des années 1950, elle est interrompue par la révolution culturelle et reprend à la fin des années 1970. Aussi depuis ces 20 dernières années, le mouvement de réforme et d’ouverture en Chine est-il accompagné d’une grande vague de traductions. En même temps, la traductologie chinoise a beaucoup avancé ces dernières années grâce au double apport de la longue histoire de la traduction en Chine et des théories étrangères contemporaines sur le traduction.
En Chine, la littérature française joue un rôle très important dans la traduction littéraire chinoise et suscite de nombreux débats comme celui de la traduction et de la retraduction multiple du roman de Stendhal Le Rouge et le Noir.

1.4. Le débat sur la retraduction du Rouge et le Noir :

De la même façon qu’en France la traduction de l’œuvre de Virgile l’Enéide a connu 36 versions différentes au cours de l’histoire, le roman de Stendhal Le Rouge et le Noir possède une quinzaine de versions chinoises.

Xu Jun, dans l’article précédemment cité, voit dans la vogue de retraduction sans précédent dans l’histoire que connaît la Chine trois causes. Tout d’abord, la traduction dans sa nature même nécessite l’acte de retraduire du fait qu’une œuvre reste toujours ouverte et susceptible d’être nouvellement interprétée. Ensuite, la traduction, s’inscrivant dans des époques historiques, vieillit. C’est pourquoi le premier traducteur du roman Le Rouge et le Noir, Zhao Ruihong, tente encore, à 80 ans, de retraduire l’œuvre qu’il avait traduite il y a déjà un demi-siècle, en un chinois plus simple et plus courant. Enfin, pour des raisons plus externes, les éditeurs chinois préfèrent combler les manques de littérature étrangère sur le marché chinois par les œuvres classiques car elles sont plus économiques. En effet, depuis l’adhésion de la Chine à la Convention de Berne en 1992, toute publication d’œuvres étrangères contemporaines exige le versement de droits d’auteurs, alors que la traduction d’œuvres classiques n’est pas soumise à cette obligation.

Xu Jun retrace ainsi l’immense débat qui a eu lieu en Chine en 1995 autour de la retraduction du roman français en question entre les traducteurs, les théoriciens de la traduction mais aussi les lecteurs. Dans ce débat, deux traducteurs du Rouge et le Noir divergent totalement de point de vue.

Le premier, Hao Yun, considère qu’on n’a pas le droit de changer ce que l’auteur a créé dans son œuvre :

" Si l’original est une algue, j’essaie de l’offrir avec son goût original aux lecteurs chinois, sans la changer en nouilles, bien que l’algue soit plus difficile à digérer que les nouilles pour les lecteurs."

Le second, Xu Yuanchong, pense que la traduction est une recréation en concurrence avec l’original qui doit le dépasser en faisant prévaloir les avantages de la langue d’arrivée :

" Je m’efforce toujours de traduire le Rouge et le Noir en une langue purement chinoise. "

Cependant, selon une enquête faite par le Centre de recherche en traduction en avril 1995 en collaboration avec le Comité de rédaction Lire, ce n’est pas la traduction la plus naturalisée qui est la préférée du public chinois : au contraire, 78,3 % des lecteurs préfèrent une traduction ayant un goût exotique à une adaptation sino-centrique. La plupart des lecteurs adopte un point de vue plus neutre et raisonnable : la traduction fidèle ne signifie pas nécessairement celle qui imite littéralement le texte d’origine mais, d’un autre côté, elle doit aussi contenir des éléments recréatifs, avec certaines limites, c’est-à-dire que la traduction littéraire est une récréation restreinte du traducteur. Il doit y avoir de la recréation dans la fidélité et de la fidélité dans la recréation.

Ce débat sur la retraduction du roman Le Rouge et le Noir est significatif car, selon Xu Jun, il doit nous faire sortir de l’aporie théorique tournant autour de la fidélité et de la recréation.

1.5. Le faux problème de la fidélité :

Pour Xu Jun, la traduction est une activité complexe qui ne peut se réduire à un seul aspect du traduire ou à une opposition de ses différents aspects comme par exemple l’aspect linguistique et l’aspect littéraire. La question de la fidélité pour lui ne fait qu’obscurcir la véritable nature de la traduction. Car à quoi est-on fidèle ? A la forme ou au fond ? A l’aspect linguistique ou à l’aspect littéraire ? A la langue et à la culture de départ ou à celles d’arrivée ?

" Pour nous, la traduction n’est pas celle de la langue seule, mais un chemin qui ouvre à l’accès authentique à une pensée, un cas particulier de communication interlinguistique, interculturelle et interlittéraire, et un mode de textualisation. " [17].

En réalité, la traduction ne relève ni purement du domaine linguistique ni purement du domaine littéraire mais des deux à la fois.
Les contraintes linguistiques liées au vocabulaire, à la syntaxe, à la stylistique ainsi qu’à la dimension proprement idiomatique de la langue traduite sont non seulement réelles mais nécessaires. Par exemple, la structure interne des phrases du Rouge et le Noir, si elle est conservée dans la traduction, montre au lecteur chinois la manière de penser française. Mais si le traducteur la remplace selon son goût par l’expression purement chinoise, telles les expressions proverbiales quadrisyllabiques, le lecteur chinois d’aujourd’hui, plus ouvert sur le monde qu’auparavant, sentira que le texte original lui échappe et pensera avoir été « trahi ». Cela n’est pas pour autant qu’il faille faire de la traduction une opération purement linguistique.
La traduction reste une opération artistique et contient une part de recréation littéraire. Le pouvoir créatif du traducteur peut même transformer la langue d’arrivée en en révélant les possibilités cachées. L’exemple de la traduction en Chine au début du 20e siècle montre ainsi que la plupart des traducteurs étaient des écrivains et qu’ils ont fait évoluer la langue chinoise de l’époque. Ceux-ci n’ont pas seulement apporté, à la langue d’arrivée, de nouveaux genres littéraires : la traduction de La Dame aux camélias a entraîné l’écriture d’une série de romans d’amours par les romanciers chinois. Ils ont aussi agi directement sur la langue chinoise elle-même : étant une langue pictographique tout à fait différente des langues occidentales, le chinois n’a pas pu emprunter directement leur lexique et a dû puiser dans son propre lexique en donnant à celui-ci une occasion d’être expliqué autrement.

François Jullien prend l’exemple de la traduction de Rousseau en Chine en expliquant comment le mot « Souverain » ayant chez Rousseau le sens de « République » et « volonté générale », a d’abord été rendue dans les premières traductions chinoises comme... le « souverain » au sens chinois (le prince chez Rousseau) :

" (...) ce n’est que très progressivement, à travers plusieurs retraductions successives, notamment japonaises, que le sens initial a été de mieux en mieux perçu, et que place a été faite pour accueillir sa radicale nouveauté. (...) Revenant sur ce qui résiste, on est mieux en mesure de le cerner, et cahin-caha, par le biais de périphrases maladroites, on commence d’intégrer : une nouvelle acceptation se fait jour. Comme toujours, il y faut du processus.. La faute n’est pas au traducteur, et même il n’y a pas « faute ». Car il fallait bien un forçage pour que la langue elle-même puisse commencer à dire ce qu’elle n’était pas faite pour exprimer." [18]

La langue chinoise ici, au lieu de siniser la culture étrangère comme elle a pu le faire par exemple avec le Bouddhisme indien, subit son influence et en l’occurrence s’occidentalise. Mais pas du premier coup, dès la première traduction, au contraire, c’est suite à un long processus de retraductions, en passant même par une tierce culture, qu’un changement se produit. Apparaît alors un aspect fondamental de la traduction : son historicité.

1.6. La traduction est historique :

Ce n’est pas une différence de nature qui existe entre la traduction linguistique et la traduction littéraire, entre la traduction fidèle et la traduction infidèle, mais une différence de degré qui s’inscrit dans l’histoire. La traduction n’est pas une fin en soi qui doit aboutir à un résultat fidèle ou non selon une alternative « du tout ou rien », de la réussite ou de l’échec. Elle correspond à la volonté, à un moment de l’histoire, de deux cultures d’échanger et de se comprendre et ce n’est pas un hasard si les vagues de traductions entre la France et la Chine correspondent à chaque fois à des moments de rapprochement des deux pays.

Comme l’écrit si justement un autre linguiste chinois, Yuan Xiaoyi :

" La traduction n’est qu’une des stations de la circulation de la compréhension. (...) La traduction constitue aussi une « pré-compréhension », une « pré-structure » de la compréhension encore plus profonde (si nous excluons les éléments socio-économiques, c’est justement la raison de la retraduction). La traduction doit être aussi un « texte scriptible » ouvert à ses lecteurs ; elle doit attendre, avec une attitude amicale, la prochaine compréhension (la retraduction). " [19]

Cette vision historique de la traduction dépasse les impasses théoriques auxquelles mènent les notions de fidélité et d’intraduisibilité. Ce n’est que dans un contexte historique donné qu’une œuvre peut s’avérer infidèle ou intraduisible. Le temps fait son œuvre de traduction et de retraduction, pourrait-on dire. Et pas seulement en littérature mais dans tous les domaines de la culture. François Jullien évoque l’échec de l’écrivain Lu Xun à vouloir intégrer la pensée de Freud dans un de ses contes, la figure du sujet présente dans la psychanalyse n’ayant "pas pris" en Chine en ce début de 20e siècle. [20] Mais aujourd’hui, un siècle plus tard, le premier psychanalyste chinois Huo Datong pratique bel et bien la science freudienne dans son cabinet à Chengdu.

Ainsi, pour échapper à l’opposition entre l’objectivité du texte à traduire et la subjectivité du traducteur, se sentant toujours coupable de trahison, Xu Jun propose de ne plus prendre le critère exclusif de la fidélité pour juger de la qualité d’une traduction mais d’avoir une vue d’ensemble comprenant plusieurs niveaux : niveau de pensée, niveau sémantique et niveau esthétique. Il faut, dans ces différents niveaux, « chercher l’équivalence dans la différence ». Au niveau fondamental qui se base sur l’universalité de la pensée, on peut espérer une équivalence à peu près identique. Par contre au niveau sémantique où l’on doit obéir aux lois et règles de chaque langue, les équivalences sont inévitablement réduites. Au niveau esthétique, le degré d’équivalence variera en fonction de la subjectivité et la créativité de chaque traducteur. C’est l’harmonie de ces trois niveaux qui donnera une bonne traduction.

1.7. La traductologie est culturelle :

Ainsi, l’examen des problèmes de traduction qui se posent du côté chinois, s’efforçant d’accueillir une langue et une culture étrangères, a non seulement fait apparaître la complexité de la question mais nous a aussi éclairé sur la multiplicité des aspects de l’acte du traduire. La qualité d’une traduction ne se réduit pas à la seule volonté du traducteur mais se trouve déterminée de l’intérieur par des caractéristiques propres à chaque niveau de la traduction et de l’extérieur par des facteurs historiques, socio-économiques, idéologiques, etc.

La réflexion des traductologues chinois modernes est pour nous, Occidentaux, d’autant plus précieuse, qu’elle vient s’exprimer jusque dans notre langue ( les articles de Xu Jun et de Yuan Xiaoyi précédemment cités sont effet écrits directement en français ; est-il possible d’imaginer de façon inverse que les traductologues occidentaux expriment leurs théories en langue chinoise ? ).
Elle rend donc compte à la fois d’un point de vue sur un acte de traduire étranger à notre culture, celui des problèmes de traduction que connaissait la Chine avec l’Inde avant sa rencontre avec l’Occident, et d’un point de vue qui s’est nourri de l’exemple occidental et de son apport théorique, du 16e siècle jusqu’à aujourd’hui, pour aboutir à une synthèse de ces deux perspectives accessible en langue occidentale même.

Il en résulte deux conséquences :

Premièrement, les problèmes fondamentaux de la traduction apparaissent comme universels car ils se sont développés parallèlement dans deux civilisations qui ne s’étaient pas encore rencontrées. Cela va donc dans le sens d’une universalité de la pensée dont la traductologie a besoin pour justifier la rencontre possible des cultures dans la traduction.

Deuxièmement, la façon de traiter le problème selon les deux univers de pensée occidentaux et chinois semble mettre en relief malgré tout une perspective culturelle différente. Ainsi, les traductologues chinois tendent à mettre l’accent sur l’historicité de la traduction là où les penseurs occidentaux tendent à idéaliser le résultat de la traduction. Deux visions culturelles du monde s’opposent entre les univers de pensée occidental et chinois, tel que le décrit F. Jullien, entre un monde de formes idéales qu’il s’agit d’imposer au réel et un monde en perpétuel transformation auquel il s’agit de s’adapter. [21] D’un côté, l’acte de traduire est vu comme un long processus d’interactions entre forces complémentaires (les différents niveaux selon Xu Jun) que le traducteur ne fait que suivre, de l’autre côté, il est considéré comme un modèle objectif que le traducteur cherche à atteindre tant bien que mal, culpabilisé par sa propre subjectivité et sa peur d’être infidèle, c’est-à-dire de trahir l’original idéalisé. La première vision conduit à une position d’attente pragmatique de la transformation du cours des choses qui apportera une meilleure traduction plus adaptée. La deuxième vision mène à une certaine perplexité théorique devant des problèmes semblant insolubles comme ceux de l’intraduisibilité ou de l’infidélité, ce qui fait dire à Paul Ricoeur, distinguant deux sortes de traduction, celle qui se fait dans la même communauté langagière et celle qui se fait entre deux langues différentes et qui subit, selon l’expression d’Antoine Berman, « l’Epreuve de l’étranger » :

" Que conclure de cette suite de retournements ? Je reste, je l’avoue, perplexe. Je suis porté, c’est certain, à privilégier l’entrée par la porte de l’étranger. N’avons-nous pas été mis en mouvement par le fait de la pluralité humaine et par l’énigme double de l’incommunicabilité entre idiomes et de la traduction malgré tout ? Et puis, sans l’épreuve de l’étranger, serions-nous sensibles à l’étrangeté de notre propre langue ? Enfin sans cette épreuve, ne serions-nous pas menacés de nous enfermer dans l’aigreur d’un monologue, seuls avec nos livres ? Honneur, donc, à l’hospitalité langagière. " [22]

A partir de notre point de vue occidental, ouvrons donc maintenant le dialogue avec la Chine en observant ce qui se passe lorsque la langue française accueille l’étrangeté chinoise.

2- Du chinois vers le français :

2.1. Langue alphabétique et idéographique :

La première question qui se pose est de savoir s’il y a symétrie des difficultés dans la traduction du français vers le chinois et dans celle du chinois vers le français. Autrement dit les problèmes rencontrés du côté chinois et du côté français sont-ils comparables ?

Dans un article intitulé Traduire la pensée chinoise, le chercheur Gil Delannoi écrit :

" L’examen des façons de penser nées en Grèce et en Chine n’ayant pas été fait jusqu’à présent par des extraterrestres qui pourraient en gommer les oppositions peut-être trop apparentes ou en accentuer les reliefs d’un point de vue inimaginable, on est bien forcé de s’en tenir à la différence de symétrie : ainsi, même ce qui paraît différent ou opposé chez l’autre est inévitablement mis en face d’une catégorie préexistante, familière à l’interprète. " [23].

Aussi est-on tenté de penser que les difficultés rencontrées par les traducteurs chinois sont similaires à celles auxquelles se heurtent les traducteurs français. Mais il faut considérer ici la différence de nature qui existe entre les langues française et chinoise.

Le français est une langue alphabétique dans laquelle les mots s’écrivent et se prononcent selon leur graphie. Les signes écrits représentent des sons. Au contraire, le chinois est à l’origine une langue idéographique formée sur des associations thématiques, conceptuelles et non phonétiques. La civilisation chinoise est ainsi marquée par l’écrit alors qu’en Occident c’est l’oral, le discours qui prédomine sur l’écrit. La linguiste Julia Kristeva remarque avec justesse :

" Le fonctionnement de la langue chinoise est si étroitement lié à l’écriture chinoise, et en même temps la parole vocale si distincte d’elle, que, même si la linguistique moderne tient à séparer le parlé de l’écrit, on saurait difficilement comprendre l’un sans l’autre. C’est en effet un exemple unique dans l’histoire, où phonétisme et écriture forment deux registres généralement indépendants, la langue se dégageant au croisement des deux. De sorte que la connaissance du langage en Chine est une connaissance de l’écriture : il n’y a pas de linguistique chinoise en tant que réflexion sur la parole vocale ; il y a des théories sur les emblèmes graphiques, et des classifications de ces emblèmes. " [24]

L’écriture chinoise possède dans la composition graphique des caractères, sa propre cohérence et autonomie par rapport à l’oral. Elle n’est pas comme en français, la transcription alphabétique d’un son prononcé, mais une combinaison d’images qui associe un sens et un son. L’idéogramme matérialise visuellement l’unité du sens, du son et de la chose. Il est en outre polyvalent aussi bien au niveau phonétique, avec le système des tons, qu’au niveau morphologique et syntaxique, étant employé comme nom, verbe, adjectif, sans que la forme change. C’est ce qui fait du chinois une langue dite monosyllabique par opposition aux langues flexionnelles.
Cette nature unique du système idéographique chinois n’est pas sans conséquence sur la traduction. En effet, quelle équivalence peut-on vraiment établir entre une langue constituée d’images et de tons et un système flexionnel de signes composés de lettres qui n’ont pas de sens symbolique ?

Nous avons vu auparavant que la traduction du français vers le chinois rend mal par nature la syntaxe des phrases françaises. La traduction ne peut se faire en effet qu’au prix d’une dénaturation de la langue chinoise, qui cependant peut être un effet recherché chez le traducteur comme chez le lecteur. Le sens en chinois ne s’étend pas de façon descriptive et précise comme en français mais se concentre de façon évocatrice et floue. Le style très construit des romans de Marcel Proust est ainsi très difficile à traduire en langue chinoise.
Mais inversement la traduction du chinois vers le français dénature de façon conséquente la langue chinoise. La question est alors de savoir si la dénaturation qui s’opère est de même ampleur dans un sens et dans l’autre.
Interrogeons-nous d’abord sur les types de problèmes qui se posent pour traduire du chinois.

2.2. L’épreuve du chinois :

Le premier problème est celui du caractère idéographique de la langue chinoise. Là où le français tend à requérir la raison et la logique, le chinois fait plutôt appel à l’intuition et l’imagination. Les caractères sont à l’origine des images de choses et ou d’idées. C’est que le sens de certains caractères chinois appelés pictogrammes peut être directement compris par leur représentation visuelle : 人 (homme) correspond exactement à l’image d’un homme debout sur ses deux jambes. Par la suite, les pictogrammes constituent autant de radicaux dont la combinaison produit des caractères plus complexes : 好 (bon) est par exemple composé de 女 (femme) et 子(enfant).
Les phonogrammes sont des caractères plus abstraits dans lesquels on a emprunté des pictogrammes qui avaient la même prononciation : par exemple, pour la notion d’identité, plus difficile à représenter de manière graphique, a été choisi le pictogramme signifiant « nez » : 自.
Quel caractère utiliser alors pour désigner le nez ? Le premier pictogramme est renvoyé à son sens originel en lui adjoignant un élément phonétique pour le distinguer de celui auquel il a donné naissance. Il devient un nouveau caractère prononcé différemment, un idéophonogramme comprenant un élément sémantique et un élément phonétique (ayant dans la plupart des cas aussi une valeur sémantique) : 鼻.

Les idéophonogrammes représentent ainsi près de 90 % des caractères chinois et constituent une sorte d’écriture rébus. [25]
La langue chinoise est ainsi riche du caractère imagé des idéogrammes rendant leur puissance évocatrice difficilement traduisible. Pour l’écrivain chinois francophone François Cheng [26], les idéogrammes chinois, pratiquement coupés de la langue parlée, sont reliés directement aux choses qu’ils figurent par des traits essentiels. Il n’y pas de distance, de rupture entre les signes et le monde, entre l’homme et l’univers, mais au contraire est valorisée une " conscience intersubjective où l’autre n’est jamais posé en vis-à-vis ". La genèse de l’idéogramme wen est par exemple très significative. Il désigne d’abord les dessins sur la robe d’un animal ou ceux des écailles de la tortue, telles des traces par lesquelles la nature signifie. C’est justement à l’image de ces signes que furent créés les signes linguistiques (empreintes d’animaux, traces d’oiseaux sur le sable), qu’on nomme également wen : 文
Chaque idéogramme contenant une multiplicité de strates graphiques et de sens est ainsi une « métaphore en puissance ». Si la métaphore est, en Occident, l’outil de la création poétique, la langue chinoise est en elle-même déjà métaphorique, déjà poétique et c’est à ce titre qu’elle a toujours fasciné les poètes français.

Le sceau de Victor Segalen

Citons Victor Segalen à qui les caractères chinois, "symboles nus courbés à la courbe des choses ", lancent le défi de leur faire dire " ce qu’ils gardent " :

"Ils dédaignent d’être lus. Ils ne réclament point la voix ou la musique. Ils méprisent les tons changeants et les syllabes qui les affublent au hasard des provinces. Ils n’expriment pas ; il signifient ; ils sont. " [27].

Le caractère idéographique de la langue chinoise, particulièrement dans la poésie, produit ainsi un énorme pouvoir de suggestion. La langue française, de nature alphabétique, est-elle donc en mesure de rendre cette richesse suggestive liée à l’idéographie ?

Car les problèmes de traduction se posent aussi sur le plan morphologique. Les caractères chinois suggèrent aussi par leur polyvalence relationnelle : selon sa place dans la phrase, un même caractère peut être nom ou verbe (verbe de qualité ou verbe d’action). Dans le poème chinois, le recours à l’ellipse renforce la valeur allusive. Par exemple, l’ellipse du pronom personnel est un procédé très prisé par les poètes chinois. Là où en français il y a trois mots pour distinguer le pronom sujet du pronom objet direct ou indirect : il, le, lui ; en chinois c’est toujours le même caractère qui est utilisé : 他 .
François Cheng y voit une abolition entre le sujet et le monde. Ainsi la montagne ne se dresse pas en face de celui qui la contemple, elle n’est plus à distance de lui, et le poète s’identifie à elle.

Avec le chinois et le français on a affaire ainsi à des types de langues totalement distincts sur un plan strictement linguistique. Claude Hagège montre que l’entreprise de traduction bute particulièrement sur les catégories présentes dans une langue mais absentes dans l’autre.

" (...) c’est l’exercice de la traduction qui sert ici de révélateur de l’irréductibilité de la morphologie, en même temps que la diversité des territoires sémantiques qu’elle couvre. (...) Si donc les langues différent les une des autres, c’est non pas par ce qu’elles peuvent ou non exprimer, car toutes peuvent, avec des moyens divers, avec plus ou moins de bonheur, exprimer n’importe quoi. Si des langues différent, c’est parce que les unes obligent à dire et que les autres ne peuvent pas dire et réciproquement. Les contraintes de la morphologie, auxquelles se heurte et que révèle l’exercice de la traduction, caractérisent des types de langues irrévocablement distincts." [28]

Ainsi en est-il des classificateurs nominaux dans la langue chinoise. Il faut intercaler un classificateur entre le numéral et le nom, par exemple, pour « une lettre », il faut dire yi feng xin : yi (une), feng (classificateur signifiant objet fermé par un sceau), xin (lettre). Comment ainsi peut-on traduire le mot feng ? Il est en effet impossible de dire en français « un - objet scellé - lettre ». Pour Claude Hagège, la traduction fait apparaître ainsi au sein des langues des « parties dures » : la grammaire, et des « parties molles » : le lexique. La grammaire fait partie de l’obligatoire et pose beaucoup plus de problèmes que le lexique qui est ouvert à l’emprunt. En grammaire, on ne traduit mot à mot que quand on le peut alors que les contenus lexicaux ne sont pas attachés par nécessité à des catégories de langue et on pourra toujours traduire une forme par une autre. Les parties lexicales offrent davantage de prise que les parties grammaticales.
Ainsi a-t-on vu précédemment que le chinois a emprunté certains concepts politiques à la langue française qui ont été au fil de l’histoire assimilés passant d’une traduction phonétique à une traduction sémantique : par exemple, pour « démocratie » on est passé de « demokelaxi » à « minzhu » 民主 qui signifie « le peuple maître ». Là où en français il faut faire des recherches étymologiques savantes pour découvrir dans le mot « démocratie » les radicaux grecs signifiant « peuple », « demos » et « pouvoir », « cratos » ; en chinois l’origine sémantique est lisible immédiatement. La langue chinoise a su donc combler les manques correspondant à son univers culturel.

Le français, comme toute langue, a aussi emprunté de multiples mots venant de l’étranger mais qu’en est-il par rapport au chinois ? Il apparaît ainsi que le passage de contenus lexicaux chinois dans la langue française ne se fait pas de façon aussi réussie que dans le cas inverse.

Le caractère dao calligraphié par Shi Bo

Prenons par exemple un des plus célèbres textes classiques chinois traduit dans le monde entier, le Dao De Jing, Le livre de la Voie et de la Vertu. Le concept central de
Dao ou Tao sera rendu différemment en français selon le contexte utilisant autant de mots différents : selon le dictionnaire Ricci, il signifiera route, chemin, voie, principe, règle, moyen, méthode, procédé, dire, conduire, diriger, gouverner, chef, etc mais le plus souvent on préférera ne pas le traduire. Car la traduction en français d’un caractère chinois aussi central que Dao sera toujours réductrice et ne donnera qu’un sens parmi les multiples sens contenus dans l’idéogramme et indiqués par le contexte. Le traducteur français d’un autre texte classique chinois le Yi Jing, Etienne Perrot, indique ainsi dans sa préface à la traduction de Richard Wilhelm :

" C’est que le chinois, à la différence des langues européennes voire sémitiques, se compose de mots dont le sens, incertain, n’est précisé que par le contexte, ou la glose qui en donne l’acceptation autorisée. En outre, les désinences et les liaisons syntactiques manquent : on se trouve en présence d’une juxtaposition de caractères invariables. La phrase ne devient donc vraiment intelligible que lorsqu’a jailli l’éclair dévoilant d’un seul coup sa signification globale : alors seulement les différentes parties de ce tout s’ordonnent et se mettent mutuellement en lumière. C’est ce qui explique que les versions d’ouvrages chinois puissent différer à ce point l’une de l’autre et qu’en particulier dans le cas d’un livre archaïque comme le Yi King les traducteurs se lancent le reproche de trahison voire d’absurdité. " [29]

La composition même d’un texte chinois diffère totalement de celle d’un texte français. Là où le texte français dissèque son sujet selon une ligne directrice, déduisant logiquement des idées à partir de l’idée centrale ; le texte chinois le dissimule, tourne autour, induisant et suggérant à la façon de la poésie.

De plus, le texte chinois est souvent truffé de « chengyu », ces expressions figées à quatre caractères dont certains sont la contraction de contes de l’antiquité. Par exemple, Handan xue bu : « Apprendre la démarche des gens de Handan » : un jeune homme s’en alla à Handan ; il y admira la démarche de ses habitants et tenta de l’acquérir ; non seulement ses efforts furent vains, mais il oublia son ancienne façon de marcher et fut contraint de retourner chez lui à quatre pattes. Ce chengyu signifie qu’à trop vouloir imiter autrui, on perd sa propre originalité, ou encore qu’il ne faut pas aller contre la nature des choses. La langue française possède aussi des proverbes faisant référence à l’antiquité mais ce qui diffère c’est la fonction littéraire de ces expressions proverbiales qui rehaussent le style d’un texte chinois. Alors que dans un texte français le style est avant tout la marque de l’individualité de l’auteur, dans un texte chinois le style consiste dans la référence et la maîtrise de ces expressions répétées depuis la nuit des temps. Que fera alors le traducteur français de ces chengyu ? Certains, par leur richesse sémantique et leur caractère imagé, sont tout bonnement intraduisibles. On voit ainsi que dans la traduction culturelle du chinois, la question de savoir si l’épreuve relève du domaine linguistique et littéraire semble vaine tant la langue chinoise semble éloignée de nos langues occidentales.

Nous pourrions ici multiplier les exemples de difficultés de traduction du chinois vers le français semblant creuser toujours plus le fossé entre les deux langues. Il suffirait de comparer les multiples traductions françaises d’un ouvrage de poésie chinoise pour constater l’épreuve de traduire du chinois voire son impossibilité. Notre idée est qu’il est plus difficile de traduire du chinois vers le français que du français vers le chinois, sans pour autant nier les nombreux obstacles qui existent dans ce dernier cas.

Mais la nature idéographique du chinois ne nous amène-t-elle pas à dire que nous avons affaire à un autre type de traduction ?

2.3. De la traduction sémiotique :

En effet, selon la théorie fondatrice de Roman Jakobson [30] , on peut distinguer trois sortes de traduction : premièrement, la traduction intralinguale ou reformulation qui se passe à l’intérieur d’une même langue lorsqu’on explique, lorsqu’on utilise des définitions, le métalangage ; deuxièmement « la traduction proprement dite » c’est-à-dire la traduction interlinguale, qui interprète les signes linguistiques au moyen d’une autre langue , enfin troisièmement la traduction intersémiotique, qui interprète des signes linguistiques au moyen de signes non linguistiques par exemple dans le domaine artistique où la « transposition créatrice » permettrait de passer de l’art du langage à la musique, à la danse, au cinéma ou à la peinture.

Cette troisième dimension apparaît particulièrement dans la traduction de la poésie chinoise. François Cheng nous fait remarquer qu’en Chine : " les arts ne sont pas compartimentés : un artiste s’adonne à la triple pratique poésie-calligraphie-peinture comme à un art complet où toutes les dimensions spirituelles de l’être sont exploitées : chant linéaire et figuration spatiale, geste incantatoire et paroles visualisées. " [31]

La traduction propre à la langue chinoise ne relèverait-elle pas ainsi d’un domaine plus vaste que celui de la linguistique à savoir celui de l’étude des signes, la sémiotique ?

Dans son ouvrage sur la traduction, Michaël Oustinoff met en avant la dimension « intersémiotique » de toute langue mais particulièrement d’une langue qui serait, comme le chinois, investi d’une fonction poétique : " L’écriture poétique chinoise est à cet égard exemplaire : l’équivalent de la « lettre » dans la tradition occidentale y est le « caractère », lui-même source de combinaisons internes infinies. " [32] Il reprend l’exemple d’un vers traduit par François Cheng comprenant cinq caractères qui se traduisent mot à mot : « branche » + « bout » + « magnolia » + « fleurs » et qui est traduit ainsi : « Au bout des branches, fleurs de magnolia. » La syntaxe du français inverse en effet l’ordre du déterminé et du déterminant. Or, l’aspect visuel de ces caractères s’ordonne en accord avec le sens du vers donnant l’impression, même à un lecteur qui ne connaîtrait pas le chinois, d’assister au processus d’épanouissement d’un arbre qui fleurit : 1er caractère : un arbre nu ; 2e caractère : quelque chose qui naît au bout des branches ; 3e caractère : un bourgeon surgit ; 4e caractère : éclatement du bourgeon ; 5e caractère : une fleur dans sa plénitude.

Il en résulte que la poésie chinoise semble intraduisible et par extension toute poésie. C’est d’ailleurs la conclusion que tire Jakobson. D’un autre côté, c’est précisément ce principe idéographique qui a fasciné les poètes français, de Segalen à Michaux en passant par Claudel, à la recherche d’une langue parfaite et universelle qui résoudrait les difficultés de la communication entre les peuples.

Si toute traduction est sémiotique, alors ce qui devient intéressant ici ce n’est ni la fidélité de la traduction d’une langue à une autre, ni les difficultés d’ordre linguistique ou littéraire, mais la possibilité de passer d’un système de signes à un autre favorisant le dialogue des culture voire leur métissage dans un acte de réécriture. La littérature chinoise francophone en est un exemple.

2.4. L’exemple du roman chinois francophone :

Depuis les années 80, plusieurs écrivains d’origine chinoise ont publié en France des romans écrits directement en français qui ont rencontré un vif succès : citons François Cheng, Dai Sijie et Gao Xingjian, prix Nobel de littérature 2000.

Muriel Détrie, dans un article s’intitulant Existe-t-il un roman chinois francophone ?, [33] montre que le recours à la langue française ne s’explique pas seulement par la situation de l’exil en France mais aussi par le paradoxe de l’adoption de certaines valeurs véhiculées par la langue française se mélangeant avec des valeurs enracinées dans la langue et à la culture chinoise.

" La valorisation de la culture française, l’invention d’une Chine traditionnelle et la quête identitaire font la saveur unique des romans chinois francophones. "

Ces écrivains chinois francophones ou ces écrivains français d’origine chinoise sont l’exemple d’un véritable métissage des cultures chinoise et française. Comme l’écrit justement Muriel Détrie :

" Bien qu’écrites en français et truffées de références à la littérature française, leurs œuvres présentent des histoires, des images, une manière de voir et de sentir, ou encore un rapport au monde et à la langue qui charment les lecteurs par leur nouveauté. " [34]

Les auteurs de ces romans dont les personnages se trouvent en pleine crise identitaire, puisent à la fois dans les cultures française et chinoise pour se réconcilier avec leur communauté d’origine et celle du public francophone qui accueille avec le plus grand intérêt la Chine atemporelle et spirituelle qu’ils présentent.

L’écartèlement entre deux cultures, deux pays, deux systèmes de valeurs se transforme chez ces écrivains en une véritable force créatrice qui transcende au moyen de la langue française l’éloignement des langues et des cultures chinoise et française dont nous avons parlé précédemment à travers les problèmes de traduction. Ils ont réalisé dans leur œuvre le passage d’un monde de signes à un autre, ne résistant plus l’un à l’autre mais au contraire interférant constamment l’un avec l’autre.

Nous prendrons l’exemple des trois auteurs suivants : Dai Sijie, Gao Xingjian et François Cheng, véritables passeurs montrant la réussite d’une traduction entre deux cultures pourtant tellement éloignées.

Dai Sijie, dans son roman Balzac et la petite tailleuse, raconte comment deux hommes et une femme découvrent grâce à la littérature française le droit à la liberté, à l’individualisme ou à l’amour précisément au moment de la révolution culturelle chinoise où ces droits sont complètement niés. Même traduites en chinois, les valeurs de la littérature française sont capables d’influencer les personnages et de changer leur destin.

Inversement dans le roman de Gao Xingjian La Montagne de l’âme, traduit par Noël Dutrait, le lecteur francophone découvre une Chine traditionnelle aux valeurs d’harmonie et de sagesse dans une langue française épurée ayant des airs de nouveau roman. Déjà avant son exil, Gao Xingjian joua un rôle important en Chine au début des années 80 en présentant les techniques du roman moderne occidental et contribua à l’ouverture de la Chine aux autres cultures malgré la résistance du pouvoir. Une nouvelle génération d’écrivains est ainsi apparue sous son influence provoquant ce qu’on pourrait appeler la « vraie révolution culturelle ».

Enfin, François Cheng a fait de la langue française un véritable outil de création. Il ne peut s’empêcher de vivre les mots français comme des idéogrammes qui pour lui incarnent phonétiquement l’idée d’une figure :

" Le mot « entre », avec son double sens d’intervalle et de pénétration, est suggéré avec une netteté brève par la phonie. Il y a ce son suspendu en l’air (-EN) et qui semble, tel un aigle, attendre la moindre occasion pour pénétrer (-TRE) dans la brèche ouverte par l’espace lorsque deux entités sont en présence, quelle que soit l’intention qui les anime, hostile ou harmonieuse. On connaît l’importance accordée par la pensée chinoise à ce qui se passe entre les entités vivantes, cernées par la notion du souffle du Vide-médian, tant il est vrai que c’est bien dans l’entre qu’on entre, qu’on accède éventuellement au vrai. " [35]

Entre deux cultures, c’est bien ce métissage linguistique que réussit à faire, par un véritable tour de force, le poète François Cheng, prouvant que la traduction culturelle peut ne pas creuser davantage la différence naturelle à deux langues mais permet aussi de les rapprocher jusqu’à une sorte de fusionnement, de symbiose, où les univers linguistiques et culturels du français et du chinois ne s’opposent plus mais se complètent harmonieusement.

Conclusion

C’est toujours en compagnie de François Cheng que nous conclurons cette étude incomplète de la traduction culturelle entre la France et la Chine :

" (...) la grandeur d’une culture, comme d’une personne, réside non dans son effort à se préserver à l’aide d’images figées et d’acquis sclérosés, mais dans sa capacité créatrice à se renouveler, à s’élargir en s’enrichissant de tous les apports valables venus d’ailleurs. " [36]

Ainsi certains voudraient faire de la diversité des langues et des cultures une preuve que l’humanité, punie par le geste divin irrémédiable de la dispersion babélienne, est destinée à se diviser et se déchirer dans des conflits d’origine culturelle.

Mais pourquoi y voir nécessairement une punition ? N’est-ce pas au contraire une formidable chance donnée aux hommes de se reconnaître entre eux dans leur différence même ? La traduction n’est elle pas justement ce moyen fabuleux de rencontre entre les cultures et d’ouverture à la différence ?

C’est ce que nous avons voulu montrer ici à travers l’échange fécond que les civilisations française et chinoise connaissent aujourd’hui dans les traductions mutuelles de leurs textes, les réflexions sur la traduction et les créations métissées « sinofrancophones ».


[1Wilhelm von Humboldt, Sur le caractère national des langues et autres écrits sur le langage, présentés, traduits et commentés par Denis Thouard, Seuil, Paris, 2000

[2Cité par Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Seuil, Paris, 1997, p.23

[3Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations, Paris, Ed. Odile Jacob, 2000

[4Op. cit., p.47

[5Paul Ricoeur, Le paradigme de la traduction, Esprit, juin 1999, n° 253, pp. 10-11

[6Georges Mounin, Les belles infidèles, Presses Universitaires de Lille, 1994

[7W. von Humboldt, Op. cit., p.39

[8Inês Oseki-Dépré, Théories et pratiques de la traduction littéraire, Armand Colin, Paris, 1999, pp. 11, 39

[9Umberto Eco, La recherche de la langue parfaite, Seuil, Paris, 1994, pp. 323-326

[10François Jullien, Thierry Marchaisse, Penser d’un dehors (la Chine), entretiens d’extrême-occident, Seuil, Paris, 2000

[11P. Ricoeur, Op. cit., p.12.

[12Anne Cheng, Op. cit., p.25

[13Xu Jun, Réflexions sur les études des problèmes fondamentaux de la traduction dans Théorie et pratique de la traduction en Chine, Mta, Journal des traducteurs, Les presses universitaires de Montréal, Montréal, Vol.44, n°1, mars 1999, pp. 45-46

[14Jacques Gernet, Le monde chinois, Armand Colin, Paris, 2003, pp. 200-201.

[15J. Gernet, Op. cit.

[16En ce qui concerne l’histoire de la traduction en France, cf I. Oseki-Dépré, Op. cit

[17Xu Jun, Op. cit. p.58

[18F. Jullien, Op. cit., p.238

[19Yuan Xiaoyi, Débat du siècle : fidélité ou recréation, dans le journal des traducteurs, Op. cit., p. 68

[20F. Jullien, Op. cit. pp. 238-239.

[21François Jullien, Traité de l’efficacité, Grasset, 1996, p. 31.

[22Paul Ricoeur, Op. cit. p.19.

[23Gil Delannoi, Traduire la pensée chinoise, Esprit, Op. cit., p. 28

[24Julia Kristeva, Le langage, cet inconnu, Seuil, Paris 1981, pp. 77-78.

[25Wang Hongyuan, Aux sources de l’écriture chinoise, Sinolingua, Beijing, 1997.

[26François Cheng, L’Ecriture chinoise poétique, Seuil, Paris, 1996.

[27Victor Segalen, Stèles, Gallimard, 1973

[28Claude Hagège, La traduction, le linguiste et la rencontre des cultures, Diogène, Gallimard, 1987

[29Richard Wilhelm, Etienne Perrot, Yi King, le livre des transformations, Librairie de Médicis, Paris, 1973.

[30I. Oseki-Dépré, Op. cit, pp. 59-60

[31François Cheng, Op. cit., p.15.

[32Michaël Oustinoff, La traduction, PUF, Paris, 2003, p.109.

[33Muriel Détrie, Existe-t-il un roman chinois francophone ?, Magazine littéraire, n°429, mars 2004.

[34Muriel Détrie, France-Chine, Quand deux mondes se rencontrent, Gallimard 2004, p. 91.

[35Cité par Muriel Détrie, Op. cit.

[36François Cheng, Les tribulations d’un chinois en France, magazine Lire spécial Chine, avril 2004.

Messages

  • Je ne connais pas assez bien le chinois pour juger ce que dit cet article. Petite expérience personnelle : j’ai trouvé un exemplaire de l’édition bilingue chinois-français d’un recueil de nouvelles de Lu Xun (fleurs du matin cueillies le soir, éditions en langues étrangères de Pékin, nouvelles écrites dans les années 20). J’ai essayé de déchiffrer le texte chinois à l’aide du dictionnaire, première fois que je m’attaquais à un texte littéraire, et j’ai été enchanté de voir que c’était presque facile. Et voila qu’un Chinois avec qui je travaille en échange de langues me dit que, pour lui, Lu Xun est pénible à lire, à cause de ses efforts pour rénover la syntaxe du chinois en la rapprochant de celle des langues occidentales.

    • Ce texte est vraiment passionnant !

      J’étudie le chinois depuis 8 ans et le texte apporte des réflexions très enrichissantes sur les dilemmes

      Il est maintenant chaleureusement recommandé sur mon blog.

      Il y aurait beaucoup à dire sur cet article
      Juste trois conclusions générales :

      -  d’abord, si on fait une recherche (par ctrl-F) sur la page on se rendra compte que l’article élude soigneusement la question du mot chinois. C’est quoi un mot ?
      Il y a juste la phrase de wilhelm : C’est que le chinois, à la différence des langues européennes voire sémitiques, se compose de mots dont le sens, incertain, n’est précisé que par le contexte, ou la glose qui en donne l’acceptation autorisée. Phrase hasardeuse car le mot a du sens, par définition.
      -  ensuite je regrette que la notion de concision ne soit pas abordée ; elle est compliquée et difficile à comprendre dans mon expérience. Par exemple dans les 15 traductions de stendhal, il y en a sûrement de plus longues et de plus courtes. Pourquoi ? Qu’est ce qui influence la capacité à rester bref ou la tentation de "broder autour" ?
      -  enfin sur l’historicité de la traduction je trouve dommage que les traductions actuelles de textes anciens ne soient pas mentionnées. A quels biais se heurte un francais d’aujourd’hui quand il traduit des poèmes tang ou des textes classiques chinois ?

      Cela fait plaisir de retrouver ébolavir que je connais électroniquement ;-)
      (ebolavir Luxun a une réputation de grande difficulté (il a pris des libertés par rapport à la langue ; il utilise des tournures qui ne seraient pas correctes dans la bouche d’autres chinois que lui ; mais ces nouvelles ne sont pas si difficile que cela dans mon expérience. J’en ai traduit deux : guxiang et kongyiji.)

      Voir en ligne : Pérégrination vers l’est