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France / Paraguay : l’association parisienne "un mundo nuevo" (un monde nouveau)

Pour une meilleure connaissance du Paraguay et du peuple guarani

dimanche 5 mars 2006, par le bureau de l’AFI

En mettant en ligne un texte sur l’histoire du peuple amérindien guarani, l’AFI souhaite soutenir l’action médicale et éducative au Paraguay de l’association "un mundo nuevo" présidée par Gloria Gachet qui nous a fait parvenir le dicours donné début février, à San Gabriel au Brésil par Joao Pedro Stedile, dirigeant du Mouvement des Sans-Terre et de Via Campesina, à l’occasion du rassemblement de plus de 1000 délégués des peuples guaranis venant du Brésil, de l’Argentine, de la Bolivie, du Paraguay et de l’Uruguay pour commémorer l’assassinat, le 7 février 1756, du leader de la résistance guarani, Sepé Tiaraju, lors de combats contre les armées des empires portugais et
espagnols.

L’association "un mundo nuevo"

Basée à Paris, il s’agit d’une association française loi 1901. Son intervention porte sur le domaine de la santé et de l’éducation. En France, elle fait connaître le Paraguay : coutumes , cuisine , musique. Au Paraguay, elle fait construire ou réhabiliter des établissements scolaires. Dans le domaine de la santé, elle travaille sur le projet de constituer un kitt de femme enceinte car il y a encore trop de femmes qui n’ont pas accès à un suivi pour leur grossesse et leur accouchement.

Pour contacter la présidente de l’association "un mundo nuevo" Gloria Gachet, écrivez au courriel suivant : unmundo_nuevo@hotmail.com

Le discours pour le peuple guarani

" Certaines des pages parmi les plus belles de l’histoire de notre peuple ont été écrites entre le 5 et le 10 février 1756. C’est pendant cette période qu’ont eu lieu les batailles qui ont défini l’appropriation du territoire de ce qu’est aujourd’hui le Rio Grande do Sul. D’un côté, il y avait deux armées puissamment équipées et unies, celle de l’empire espagnol et celle de l’empire portugais, toutes les deux munies de la bénédiction de l’empire du Vatican, qui les accompagnait. De l’autre côté, il y avait le peuple Guaraní, qui vivait tranquillement, organisé en sept agglomérations, qui défendait sa culture, son mode de vie et son territoire.

250 ans plus tard, nous étions plus de dix mille personnes, dont une majorité de jeunes, militants de mouvements sociaux de la ville et de la campagne, en provenance de tout le sud du Brésil, à nous réunir sur
place durant quatre jours. Il y avait parmi nous 1500 représentants du peuple Guaraní, venant de quatre pays : le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et la Bolivie. Nous avons monté un campement à San Gabriel pour célébrer la mémoire du peuple Guaraní et le martyre de son dirigeant Sepé Tiaraju.

Que sommes-nous allés célébrer à San Gabriel, puisque le peuple Guaraní y a subi une déroute et un massacre ?

Pour comprendre l’importance de notre campement et des hommages rendus aux vaincus, il est nécessaire de faire un retour sur l’histoire. Les peuples Guaranis, Charrua, Minuano et Tape habitaient depuis des temps immémoriaux
dans le territoire que nous connaissons actuellement sous le nom Rio Grande do Sul. Selon les études anthropologiques, il existe des preuves de présence humaine dans le territoire brésilien, probablement en
provenance d’Asie, depuis plus de cinquante mille ans. Entre les années 1600 et 1756, une civilisation extrêmement progressiste s’est développée dans la
région nord-ouest du territoire gaucho, c’est-à-dire dans la région qui va du nord de l’Uruguay et jusqu’au nord-ouest de Rio Grande do Sul, sur les rives du
fleuve Uruguay, et de l’autre côté du fleuve, dans ce qui est aujourd’hui la province de Misiones en Argentine, ainsi que le sud du Paraguay.

Or, les peuples Guaranís et leurs alliés Charrua qui vivaient dans ce territoire sont parvenus, à cette époque, à créer une forme de vie sociale impressionnante, combinant le savoir millénaire de ces peuples avec l’encyclopédisme européen arrivé avec la Compagnie de Jésus. Pendant ces 150 ans, 33 villes se sont développées, qui avaient en moyenne 5 à 15 mille habitants. Le travail était organisé selon deux modalités différentes.
Une partie concernait toute la collectivité et était réalisé de manière collective, et une petite partie du temps pouvait être consacrée aux
tâches domestiques et aux cultures familiales. La faim, l’inégalité sociale, les pauvres et les riches n’existaient pas. Tous étaient égaux. A cette époque, il y avait des écoles, et selon les registres, tous les enfants devaient aller à l’école à partir de 6 ans. Ne perdons pas de vue que la première école publique au Brésil a été fondée bien plus tard, par D. Pedro II [deuxième empereur du Brésil 1831-1889 ; il est couronné le 18 juillet 1841], dans les années 1840. Dans ce système économique, ils sont parvenus, à élever plus de 4 millions de têtes bétail à partir des premiers animaux apportés par les jésuites et adaptés aux plaines de la pampa. Il y avait de la nourriture en abondance. Les gens pouvaient consacrer une grande partie du temps à des activités culturelles, des fêtes, des chours et des échanges. Les archives montrent que dans l’agglomération de San Miguel de las Misiones, il existait un orchestre d’enfants et d’adolescents qui jouaient y compris le violon ! Et tout cela dans les années 1700 !

Bien des années avant la civilisation européenne, ils ont instauré un régime politique que l’on connaîtra plus tard sous le nom de république. Ainsi, dans la structure de pouvoir des Guaranis, les dirigeants étaient élus par un vote auquel prenaient part tous les habitants, hommes et
femmes. En 1751, c’est dans ce contexte et par un vote auquel participèrent tous les habitants, que fut élu à un poste analogue à celui de préfet ou de cacique de San Miguel le jeune guerrier Sepé Tiaraju. Sepé parlait et
écrivait en trois langues : le guaraní, le latin et l’espagnol.

Mais les empires de l’époque voyaient tout cela d’un très mauvais oeil. Fatigués de guerroyer entre eux pour se disputer les parts du marché
dans le capitalisme commercial naissant, les empires portugais et espagnol
ont signé en 1751 le traité de Madrid qui mettait un terme à leurs disputes dans ce domaine. Et par ce même traité, ils se sont échangé la Colonie Sacramento, devenue par la suite Montevideo, une petite agglomération
sous contrôle des Portugais, contre un immense territoire guaraní, qui allait du nord de Montevideo jusqu’à Asuncion, au Paraguay. Tout s’est passé comme si ce territoire était espagnol. Or, il était guaraní.

En réalité, cette alliance conclue entre les deux empires devait empêcher que le développement de cette civilisation, si riche, et qui contrôlait un territoire si vaste, ne se consolide hors du contrôle du capitalisme
naissant. Ils ont donc décidé que les peuples natifs devaient abolir leur organisation sociale, abandonner leur territoire, leurs maisons, leurs sept villes de la rive droite du fleuve Uruguay, et déménager sur la rive occidentale du fleuve. Puisque les terres situées de l’autre côté appartiendraient à l’Espagne, celles situées de ce côté-ci seraient au Portugal. Les peuples Guaranís n’ont pas accepté cette décision, malgré les menaces du Vatican et la trahison de la plupart des jésuites qui
vivaient avec eux. Et ils ont décidé de défendre leur territoire et leur mode de vie. Sepé Tiaraju, en tant que détenteur de la plus haute autorité des sept communautés, a pris la direction de la résistance. Mais ses 30 mille
guerriers étaient à peine armés de lances et de flèches, alors qu’ils devaient affronter la puissance de la poudre à canon des armées les plus puissantes de l’époque.

La plupart des guerriers ont été massacrés, mais ils ne se sont pas rendus.
Des milliers de femmes et d’enfants ont traversé le fleuve Uruguay, et sont allés vivre dans les territoires qui constituent aujourd’hui la province de Misiones (Argentine) et le Paraguay. Des milliers d’autres se sont
cachés dans la forêt, et ont pris la fuite. Les Guaranis qui vivent actuellement au sud du pays sont leurs descendants. Sepé Tiaraju est tombé au combat le 7 février 1756, près d’un ruisseau, sur le site qui est devenu par la suite la ville de San Gabriel. Ce fut le début de la fin. La bataille finale eut lieu le 10 février dans les collines de Caiboaté, à quelque 30 kilomètres de San Gabriel. Plus de 1500 guerriers guaranis, qui avaient été attirés par l’illusion d’un accord de paix, y furent massacrés. Leurs corps sont enterrés là-bas, à l’ombre d’une énorme croix.Jusqu’à aujourd’hui, personne n’a pensé à faire des excavations ou des recherches.

C’est ainsi que le territoire des Guaranis a cessé de leur appartenir, pour passer aux mains du Portugal. Il est devenu, plus tard, le Rio Grande do Sul. Leurs terres ont été distribuées entre les notables portugais pour contrôler le nouveau territoire, et ces derniers ont créé de grandes fermes (haciendas) pour l’élevage. C’est également ainsi qu’est né le latifundio (grande propriété terrienne) de la frontière gaucha, à l’origine d’une société d’inégalités et d’oppression qui dure jusqu’à nos jours. Ces batailles, et le personnage de Sepé Tiaraju font partie des glorieuses luttes de résistance des peuples natifs de l’Amérique latine, qui ont affronté avec leur courage et leur culture les empires puissants.
Comme l’ont également fait les Incas avec leur Tupac Amaru, au Perou. Et les Quechuas, avec leur Tupac Katari, en Bolivie, toujours pendant la même période historique que le combat mené par Sepé et les Guaranis.

Nous nous sommes rendus à San Gabriel pour nous nourrir de ce courage, de cette volonté de défendre notre territoire, notre culture, notre rêve d’une société plus juste et plus égalitaire. Nous y sommes allés à la recherche de l’énergie de ces guerriers guaranis qui ont par le passé affronté les mêmes empires. Maintenant, l’empire ne vient plus envahir notre territoire avec des canons et de la cavalerie. Maintenant il vient avec ses banques (pour acheter y compris nos meilleurs joueurs... [le football] et les utilise pour faire de la propagande mensongère). Ils viennent avec leur capital pour acheter nos entreprises, nos terres. Ils viennent pour nous exploiter, faisant payer des taxes élevées pour les services
téléphoniques, pour l’énergie électrique - infrastructures que nous avons nous-mêmes construites et qu’ils se sont appropriées. Ils viennent avec leurs taux d’intérêt, parmi les plus élevés du monde. Mais le sens de la domination et
de l’exploitation des richesses est le même.

Maintenant ils ne peuvent plus compter sur une partie des jésuites pour défendre leur idéologie. Ils arrivent avec la télévision, avec ses mensonges et ses bêtises. 250 ans plus tard, on peut dire que la lutte est la même : le peuple contre l’empire du capital.

C’est peut-être pour cela qu’aucun grand journal, aucun canal de télévision, n’a voulu se rendre à San Gabriel. Il n’y avait que la TV éducative de Parana et Telesur [du Venenzuela], qui prétend être la voix et l’espace des peuples d’Amérique latine. Saluons le peuple Guarani, qui
survit héroïquement et qui résiste depuis 250 ans ! Comme seule consolation, nous savons que tous les empires ont été vaincus, et les actuels le seront aussi
."

La traduction en français provient du site A l’encontre